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Monalisa, notre Bridget Jones Marseillaise

Ce Journal de Monalisa prend les tournures d’une Bridget Jones phocéenne, un livre léger à l’humour lyrique. Une pointe de poésie dans un bol d’aventures légèrement épicées, à la sauce marseillaise. Agnès Olive, nous attache au personnage de cette diariste, amatrice de rosé frais et célibattante à ses heures vécues. Un personnage fictif mais bien vivant par ses crises cyclothymiques et existentielles. Parfois (fo) fol(le), éparse, souvent en liesse, elle attise notre curiosité par un jeu de miroir littéraire : cette vie parfois nous ressemble, son intimité nous ramenant à la nôtre, les situations cocasses à nos propres embarras. Et c’est sous cette sensation d’air iodé que l’on tourne les pages de ce journal, exultant un régionalisme méditerranéen des Goudes au MuCEM, en passant du Corbusier à l’InterContinental. Ici, le ton est donné : léger et naturel, sans retouches artificielles avec ses expressions et références marseillaises. À lire en vitesse, sur les plages, dans le bus et le métro, le format femme active nous délecte en toute simplicité… Un petit coup de fil s’imposait, ToutMa l’a fait !

ToutMa : D’où vient l’idée de ce « Journal de Monalisa » ?

Agnès Olive : J’ai commencé par une idée envoyée à des éditeurs : « le journal d’une écrivaine ». Cela n’est pas allé plus loin, mais l’idée est restée de créer le personnage d’une Marseillaise trentenaire, célibataire avec enfant : Monalisa. Je voulais un prénom que l’on n’oublie pas. C’est un personnage de fiction qui me ressemble (un peu !), le tout traité avec un humour et une dérision particulière en jouant sur les contradictions de cette fille : la femme qu’elle est vraiment et celle qu’elle aimerait être…

TM : Une suite à espérer ?

AO : Une série même ! Je suis en train d’écrire le troisième tome. Le second tome « La Bibliothèque noire » vient de sortir et le tome trois “un vieux dictionnaire” est prévu pour septembre. Les  premiers tomes sont déjà disponibles sur internet (en version numérique ou papier au choix). Les retours de lecture sont excellents.

TM : Et Marseille dans tout ça ?

AO : C’est un livre très marseillais, mais en même temps il parle à tout le monde. La ville de Marseille est pour moi un des personnages principaux de la série. Au travers de mon héroïne, Monalisa, qui est très attachée à cette ville, ce qui me plaît c’est de faire un portrait très positif de ma cité.

Le journal de Monalisa Tome I. “À livre ouvert”Tome II. “La bibliothèque noire”
_198 pages _sur Amazon 9,99 € en version papier ou 2,99 € en version numérique.

Tentez de gagner le livre dédicacé de l’auteur en envoyant un mail avec vos coordonnées
à agnes@toutma.fr. Les 10 premières demandes recevront la saga de l’été !

Pour vous allécher, l’auteure nous propose de lire le début de son roman :

Le journal de Monalisa

Je m’appelle Monalisa, oui, la Joconde c’est moi ! Une idée de ma mère ce prénom qui n’existe pas, c’est elle qui l’a inventé… Quand j’étais petite je ne l’aimais pas beaucoup, parce que ça me démarquait, et puis sans arrêt on me parlait du tableau, ce qui finissait par m’exaspérer. Maintenant ça va, je m’y suis habituée, je l’aime bien, il est unique (comme moi !)… Monalisa Belleville. Mon père a des origines espagnoles, notre vrai nom c’était Bellavilla je crois, ou quelque chose comme ça, mais ils l’ont francisé à un moment donné dans la famille, sûrement à une époque où les espagnols n’étaient pas très bien vus en France… J’ai trente-sept ans, célibataire, je suis libraire à Marseille, je tiens une petite librairie sur le Vieux-Port dans un kiosque, et à partir d’aujourd’hui j’ai décidé de tenir aussi un journal. Je sais, ça fait un peu ado, pourtant je ne suis plus une ado depuis longtemps, mon fils Adrien qui a onze ans et demi commence à avoir du duvet à la moustache !… Non, si j’ai décidé d’écrire mon journal, c’est à cause de ma vie. Elle est drôle ma vie. Il se passe toujours des choses bizarres et peut-être qu’en l’écrivant je vais comprendre, parce que là, tel que c’est, elle m’échappe un peu. Je n’en comprends pas bien le sens. Peut-être qu’il n’y a rien à comprendre mais au moins, avec ce journal, j’aurais essayé d’y voir plus clair. Et puis ce qui m’a décidé hier, c’est d’avoir vu pour la première fois en vrai mon écrivain préféré : Bernard Werber. Il était en signature au Virgin de la rue Saint-Ferréol, c’était juste avant que ça ferme. Il m’a dédicacé son dernier roman Les micro humains, et on a échangé quelques mots. Bon, j’étais très impressionnée, j’avais les jambes qui tremblaient, les mains qui transpiraient, c’est toujours mon problème la transpiration quand je suis émue, et bien sûr je ne suis pas arrivée à lui dire que j’étais dingue de lui, enfin de ses livres, je les ai tous, je les collectionne, donc comme je ne savais pas quoi dire, je lui ai dit qu’il avait de la chance de savoir écrire. C’est complètement nul d’avoir dit ça, mais c’était pour dire quelque chose. Les blancs, je supporte pas. Et lui, gentiment, il m’a répondu en me rendant le livre avec sa voix hypnotique :

– Mais ma chère Monalisa, tout le monde peut écrire…

En plus il m’a postillonné dessus en me disant ça. Bon, aucune importance, au contraire. C’est pas la première fois qu’on postillonne sur moi, ça m’arrive souvent, et d’habitude j’ai horreur de ça, mais venant de BW, c’est pas pareil, c’est presque un truc agréable. Après sa phrase a résonné dans ma tête toute la journée (et aux postillons aussi j’y ai beaucoup pensé). Finalement je me suis posée la question : et si j’écrivais ? Je peux. J’ai fait des études. J’ai même fait un peu de Droit, mes parents voulaient que je sois juge ou avocat, un métier « respectable ». Un métier de « notable ». Sauf que moi je n’aime pas les notables et je n’aime pas leurs métiers. Finalement je suis devenue libraire par hasard. Mais je sais écrire. Et puis avec tout ce que j’ai lu dans ma vie comme bouquins, ça devrait quand même me servir ! En fait moi ce qui me manque c’est l’imagination (c’est toute la différence avec Bernard Werber !). Raconter des histoires, inventer des personnages, des scénarii, voilà, par exemple je sais qu’on n’écrit pas scénarios au pluriel, donc je sais écrire, mais tout le reste, je sais pas. Alors j’ai pensé raconter ma vie. Et comme elle est marrante ma vie, le journal ça peut être marrant aussi. Et puis au fond de moi, pour me motiver, je me dis qu’un jour je l’enverrai à BW. Mais ça c’est un secret.

Pour commencer, alors comment je suis devenue libraire… C’est le hasard je disais. Tout ce que j’ai fait dans ma vie, on dirait que ce n’est pas moi qui l’ai décidé. C’est drôle ça aussi. Normalement chez les gens normaux, ça ne se passe pas comme ça, les gens normaux eux décident ce qu’ils veulent faire et ils le font, après s’ils réussissent ou pas, c’est une autre affaire, mais ils savent à peu près ce qu’ils veulent faire. Pas moi. J’étais donc étudiante en Droit et après mon Deug, l’été, mon père a voulu que je fasse un stage – non rémunéré, je précise, ce qui m’a bien énervée parce que personnellement j’avais envie de travailler pour gagner de l’argent et le dépenser, pas pour la gloire ! C’était chez un ami à lui, un avocat. Autre précision, mon père est huissier, bientôt à la retraite, et il a toujours fait comme un gros complexe d’infériorité par rapport aux notaires, aux magistrats, aux avocats… Même les policiers quand ils sont hauts-gradés, ça le fait rêver. Je crois qu’il a toujours été frustré d’exercer le seul métier juridique de beauf. C’est vrai que ça ne fait pas super chic dans un dîner avec des hommes d’affaires :
– Et vous, qu’est-ce que vous faites ?
– Moi euh… Je suis huissier.

Et mon père aurait voulu être chic. C’est à cause de ma mère, c’est pour lui plaire, elle est snobinarde c’est pas possible, je l’adore mais c’est une caricature de la « Marie-Chantale » marseillaise. Faut pas croire, y’a des bourgeoises à Marseille, à la télé aux infos, ils montrent toujours que les poissonnières sur le port, mais il y a de belles bourgeoises aussi, faut voir certaines copines de ma mère… Bref, donc le cabinet d’avocat du copain de mon père était à Aix, ville dans laquelle j’ai partagé pendant deux ans un petit deux pièces avec une amie. Mes deux années de Droit. Et à côté du cabinet qui donnait sur une petite place, la place des Cardeurs, il y avait une librairie. C’était une librairie pas comme les autres… Elle était dans un kiosque, comme un kiosque à journaux ou à fleurs mais plus grand, tout en bois peint en noir brillant avec du rouge aussi, c’était très original, beaucoup de cachet, du caractère, et elle était spécialisée en littérature asiatique : littérature chinoise mais aussi japonaise, coréenne, vietnamienne, et même pakistanaise et indienne. C’est ce qui était écrit en gros sur une pancarte à l’entrée, car je ne suis jamais allée voir à l’intérieur, la littérature chinoise, très peu pour moi ! Ça s’appelait Le proverbe chinois.

Tous les matins avant d’aller chez l’avocat, j’allais prendre une noisette sur la place dans un bistrot, Au petit verre d’eau, jamais de café noir, toujours une noisette, comme la couleur de mes yeux. Je m’asseyais tous les jours toute seule à la même table et je lisais Le Monde. Enfin j’essayais de lire Le Monde. C’était pour faire « genre », parce que je n’y comprenais rien. À la Fac, on nous avait conseillé de lire Le Monde pendant toutes nos études de Droit, alors j’essayais… En fait c’est pas que je n’étais pas capable de comprendre, c’est que ça ne m’intéressait pas l’actualité à cet âge-là. Mais bon, ça se voyait pas le matin au Petit verre d’eau vu l’air super inspiré que je prenais en feuilletant le quotidien… En plus ça me donnait une contenance parce que d’être seule dans un bar (pire dans un restaurant) ça me met toujours un peu mal à l’aise. J’ai l’impression que tout le monde me regarde discrètement, et que dès que je serai partie, ils vont tous se moquer de moi. Et puis un lundi matin, en arrivant comme d’habitude pour prendre ma noisette, j’ai trouvé une petite carte sur ma table. Une carte de visite de la librairie Le Proverbe chinois avec dessus, écrit à la main, un tout petit poème, un haïku japonais :

Matin incertain
Passe une belle journée
Viendra le grand soir

Quand le serveur est venu vers moi avec son plateau, sans que je demande rien, c’est lui qui m’a dit d’un air complice :
– C’est le libraire d’en face qui l’a laissée exprès pour vous.

J’ai pas aimé cette fausse complicité. Un peu comme s’il m’avait fait un clin d’œil, le truc que je déteste le plus au monde. Non mais, pour qui il se prend ce garçon de café ? On n’est pas des vieux potes tous les deux. Et l’histoire des vaches ou des cochons, il connaît pas ou quoi ?… Toi tu me sers ma noisette, moi je paye et je m’en vais. Point barre. Il m’a énervé ce serveur. Après je suis partie chez mon avocat en passant à cent à l’heure devant le kiosque tellement j’avais honte. Et toute la journée je n’ai pensé qu’à ce poème, incompréhensible au demeurant, qu’est-ce qu’il a voulu me dire exactement ? Et toute la journée je n’ai pensé qu’à ce libraire, et comme je ne l’avais jamais vu, je pouvais tout imaginer. Le pire comme le meilleur. Et bien sûr je n’imaginais que le meilleur.

La suite à lire ici…