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Juliette Binoche dans POLINA « L’observation est le point d’ouverture entre soi et les autres »

Angelin Preljocaj a laissé l’actrice prendre possession du Pavillon Noir le temps du tournage de Polina dont une partie du film se déroule à Aix-en-Provence. Avec beaucoup de naturel, elle y interprète Liria Elsaj, une chorégraphe accomplie et renommée qui initie Polina à la danse contemporaine et tente de l’ouvrir à la vie aussi. Juliette Binoche s’intègre dans cet univers avec aisance. 

ToutMa : Vous avez dansé avec Akram Khan. Vous êtes-vous à nouveau immergée dans la vie des danseurs et d’une compagnie pour préparer ce rôle ? 

Juliette Binoche : Mon engagement dans le spectacle que nous avons créé avec Akram a été radical puisque pendant deux ans je me suis consacrée aux répétitions et à la tournée. Sur ce film, j’avais le privilège d’observer Angelin dans son travail et d’essayer de comprendre son état d’esprit, d’où venait son mouvement. Un chorégraphe n’est pas forcément danseur mais s’il l’est ou l’a été, les danseurs peuvent alors rentrer plus facilement dans son univers. Mais je me suis entraînée avec Nagisa Shirai une de ses danseuses favorites et Sergio son assistant depuis de longues années.

Polina, Danser Sa Vie
en salle le 16 novembre

TM : Qu’aimez-vous particulièrement dans cette pratique ? 

JB : La danse permet de rentrer en contact avec une autre partie de soi. Le mouvement crée la rencontre entre le corps et l’esprit. J’aime les risques qu’ont pris certains chorégraphes au travers de l’histoire pour se couper du conventionnel et trouver un mouvement qui leur ressemble. C’est courageux de risquer d’être soi, car on peut être vite rejeté ou incompris. L’information que le corps reçoit à travers le mouvement est précieuse, nous en sommes plus ou moins conscients, mais quand notre corps est disponible, ouvert, étiré, vivant, il devient notre pinceau créateur.

TM : Qu’avez-vous retenu, en observant Angelin, pour interpréter Liria ? 

JB : Il y a un langage entre un chorégraphe et ses danseurs qui est tissé sur de longues heures de répétition. Angelin a son mouvement mais aussi des cassures dans ses mouvements, il aime s’amuser. Il cherche une simplicité, le poids du corps naturel qui s’intègre dans les mouvements. Quand il crée, il laisse son corps faire, mais à la fois il est devant le miroir et en observe l’effet et change, car il travaille entre ce que son corps dit et ce qu’il voit. Il y a une assurance chez Angelin que je voulais avoir, une certaine distance, car il sait qu’il va devoir être exigeant. Mais Angelin est bienveillant envers ses danseurs même s’il ne les materne pas.

TM : Comment Valérie et Angelin vous ont-ils dirigée ?

JB : Parfois Angelin m’a mise en face d’épreuves, pour la scène de l’audition, il m’a demandé de me mettre devant et de montrer des mouvements. J’ai été surprise, mais c’est ça le cinéma, il faut y aller sans avoir peur. Valérie et Angelin sont très complices, ils étaient tous les deux impliqués et attentifs à leur premier film ensemble.

TM : Comment avez-vous accompagné Anastasia Shevtsova, qui interprétait ici son premier rôle ? 

JB : Le tournage a été un mélange entre des moments de danse et des moments de jeu. Les épreuves étaient partagées et il y avait, je crois, de chaque côté, de la complicité, de la patience et de la bienveillance. Anastasia avait beaucoup de questions, elle avait à confronter à la fois la danse d’Angelin et le jeu d’acteur. Il y avait chez elle, une pudeur, une finesse d’esprit et une envie folle de vivre.

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