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Cécile De France, dans Mademoiselle de Joncquières

L’évènement cinéma de la rentrée, c’est le très beau film d’Emmanuel Mouret, Mademoiselle de Joncquières dans lequel Cécile de France et Édouard Baer rivalisent de talent dans des rôles inhabituels. Rencontre avec une actrice rayonnante au naturel désarmant…

ToutMa : Connaissiez-vous le cinéma d’Emmanuel Mouret avant d’avoir été pressentie pour ce rôle ? 

Cécile de France : Oui un peu… mais sans être une adepte de ce genre de cinéma souvent versé dans le marivaudage théâtral. Quand j’ai reçu le scénario, j’ai eu un grand coup de cœur pour cette histoire, et le fait qu’Emmanuel Mouret ait réussi à mélanger brillamment ses mots à ceux de Diderot m’a littéralement émerveillée ! Ce sont tous deux des défenseurs de la liberté de penser, ils ne jugent pas, ils s’interrogent. Ce sont deux grandes intelligences françaises (par opposition au côté manichéen du cinéma américain) qui, de plus, s’intéressent aux femmes avec beaucoup d’empathie, quels que soient leurs travers… 

TM : Les sublimes robes d’époque (un rêve de petite fille) et le langage raffiné du XVIIIe ont-ils laissé une empreinte sur votre comportement ?

CF : Ah non, une fois que le film est terminé, c’est fini… Je mets toujours un peu de distance avec mes personnages. Le costume m’a beaucoup aidée à être dans la représentation car la marquise est une excellente comédienne qui contrôle ses émotions et Emmanuel savait que le maintien imposé par le corset allait conforter cette artificialité. Après, j’étais flattée d’avoir un costumier aussi talentueux qui a conçu chaque robe pour moi en fonction de ma carnation. Tout y est lumineux, comme le XVIIIe siècle !

TM : Sans vouloir spoiler le film, le personnage du marquis semble presque écrit pour Édouard Baer (sauf qu’il est bien plus extraverti dans la vraie vie). Auriez-vous pu être séduite par un tel Don Juan aux manières pourtant irréprochables ?

CF : S’il y a une sincérité, qu’il n’y a pas de fabrication, si j’ai en face de moi quelqu’un qui assume sa personnalité et qui ne ment pas, je crois que oui ! J’aime les gens sincères. Dans le film on est séduit par le marquis car il est vrai ! C’est un libre penseur. Et moi, dans la vie, je suis admirative des gens naturels, qu’ils soient séducteurs ou pas. 

TM : Quels sont jusqu’ici les plus beaux rôles de votre vie ?

CF : C’est impossible de répondre à cette question car c’est comme si vous me demandiez lequel de mes enfants je préfère ! Que ce soit un film réussi, ou pas d’ailleurs, j’ai un vrai lien affectif avec mes personnages. Et ce que je vis sur les tournages est aussi important que l’œuvre en elle-même !

TM : Qu’est-ce qui vous a attirée, si jeune, vers ce métier ?

CF : Ça a démarré très tôt… Enfant ! J’étais timide, introvertie. Et quand, en classe, je récitais mes poésies, voir que je pouvais provoquer des émotions chez les autres, que ce soit le rire, la tendresse ou tout le panel infini des émotions humaines, me rendre compte que j’avais ce super pouvoir-là, ça m’a vraiment transcendée… J’ai gardé cette sensation en moi, encore aujourd’hui. Je trouve cela précieux.

TM : On sait que vous avez tourné avec l’immense Clint Eastwood dans son film Au-delà ! Dites-nous un truc qui nous fasse rêver…

CF : Je suis complètement fan de lui, moi aussi. J’ai été subjuguée… C’est comme un diffuseur d’amour. Il a une aura tellement puissante ! Il dégage beaucoup de paix et de bienveillance. Il parle peu mais quand il pose sa main sur votre épaule, vous vous sentez bénie.

TM : On reste dans le thème du divin (rires). Vous tournez bientôt la saison 2 de la série The Young Pope, avec Jude Law et John Malkovich, entre autres. Et là, ça fait quoi de toucher les étoiles, après Dieu ?  

CF : Je suis très honorée de faire partie de l’équipe et surtout d’être aux premières loges pour contempler le génie de Paolo Sorrentino, un réalisateur qui a vraiment son univers propre… comme Emmanuel d’ailleurs qui est unique dans son genre et ça, j’adore ! Paolo a une grande intelligence artistique, avec d’énormes moyens évidemment. Il a fallu que je me sente à ma place car j’avais un petit complexe d’infériorité, mais Paolo aime passionnément ses acteurs. J’ai été heureuse de sentir cela. 

TM : On vous sait en couple avec deux enfants et très discrète sur votre vie de famille que vous privilégiez. Comment concilier tournages parfois lointains et présence à leurs côtés ?

CF : En fait, c’est pas si compliqué car c’est quelques mois par an. Ma plus longue absence, c’était en Mongolie, pendant cinq semaines pour le récent tournage du film de Fabienne Berthaud. Le reste du temps je fais des allers-retours. Je fais en moyenne deux films par an, donc quatre mois de travail sur douze… Je suis surtout à la maison auprès de mes enfants (sourire).

 

Photos _Carole Bellaïche – H&K