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De la vigne au vin tout ce qu’on ne sait pas…, saison 4 : l’ébourgeonnage et la fabrication du vin blanc

Entretien avec Valérie Courrèges, œnologue du château Fontainebleau du Var, et viticultrice accomplie. Le printemps est là, avec toute la vitalité que cela inspire : arbres fruitiers, massifs floraux, tout bourgeonne, y compris la vigne ! Les feuilles sortent, les premières fleurs aussi, et la nature reverdit. Une période émouvante, plutôt rayonnante mais durant laquelle tout est encore fragile et incertain, à commencer par le temps, entendons par là le climat, si déterminant pour la qualité du vin à venir…

ToutMa : Que se passe-t-il entre avril et mai sur un domaine viticole de 170 ha en Provence verte ?

Valérie Courrèges : Les bourgeons apparaissent sur la vigne. Quand ils s’ouvrent et sortent de leur bourre (la bourre est le duvet où sont dissimulées les jeunes feuilles dans le bourgeon), on appelle cette étape le débourrement. Cette année, on assiste à un développement précoce de la vigne, conséquence directe des conditions thermiques hivernales trop chaudes. Dans sa bourre, le bourgeon peut faire face à des températures allant jusqu’à -20 °C. Mais une fois le bourgeon fructifère (porteur de fruit) sorti de sa bourre, il ne peut résister à des températures inférieures à -3 °C et risque de tomber, avant d’être remplacé par un bourgeon uniquement porteur de vrille, sans raisin. La conséquence d’un gel serait alors préjudiciable pour la récolte…

TM : Quels sont les mois les plus sensibles pour la future récolte ?

VC : Dès que le cycle végétatif de la vigne a commencé, il est nécessaire, suivant une cadence oscillant entre huit et quatorze jours, d’effectuer des traitements de la vigne pour lutter contre les principales maladies cryptogamiques : le mildiou et l’oïdium. En viticulture biologique on utilisera des molécules simples : le cuivre et le soufre. En biodynamie on y ajoutera des tisanes de plantes. Cette protection sera menée jusqu’à quatre ou cinq semaines avant la récolte, qui intervient en général entre septembre et octobre à Fontainebleau. Par ailleurs, on n’est jamais à l’abri du gel de printemps ou d’un orage de grêle en période estivale…

TM : Comment savez-vous que le raisin est à maturité et prêt à être vendangé ?

VC : Différents facteurs sont déterminants pour apprécier la maturité du raisin. Il n’y a pas qu’un type de maturité, mais plusieurs…

La maturité physiologique
Elle correspond au moment où les baies de raisin ont atteint un poids optimal et où la vigne arrête leur approvisionnement en sucres.

La maturité technologique
Elle est définie par des indicateurs qui disent s’il sera possible de faire du vin… quand le vigneron pourra atteindre le degré d’alcool potentiel nécessaire. Il s’agit de calculer le rapport entre la concentration en sucres et en acides.

La maturité phénolique
Elle est primordiale pour l’élaboration des vins rouges. Il s’agit de connaître la quantité et la capacité d’extraction des anthocyanes et la qualité des tanins.

La maturité aromatique
Elle détermine la concentration optimale des arômes recherchés du raisin. Heureusement, deux grands types d’outils permettent d’appréhender ces maturités. Les analyses chimiques, qui mesurent les teneurs en différents composés déterminants (sucres, acides, polyphénols…) ; et la dégustation des baies, qui se fie aux palais avisés des vigneronnes et des vignerons.

La décision finale
Quand on a toutes les analyses en main et que l’on a dégusté un échantillon représentatif de baies, il faut enfin décider. Il s’agit de déterminer la maturité œnologique, celle qui prend en compte l’ensemble des maturités ci-dessus. Mais attention, elles n’arrivent pas toutes en même temps ! Il va donc falloir trouver un compromis en fonction du type de vin que l’on souhaite élaborer et de l’état sanitaire des raisins. En effet, un millésime pluvieux ne permet souvent pas d’atteindre une maturité optimale. Les raisins attaqués par des champignons doivent alors être ramassés prématurément. En résumé, fixer la bonne date pour la vendange nécessite de comprendre le raisin !

TM : Quelles sont les grandes caractéristiques des vins blancs de Provence ?

VC : Les blancs provençaux sont généralement frais, finement onctueux et développent des arômes de fleurs, d’agrumes et de fruits blancs. La cuvée Louis-Baptiste de Fontainebleau, vinifiée et élevée en fûts, gagne en gras et en complexité, développant des arômes de miel, de coing et de fruits secs.

TM : Pourquoi produit-on si peu de blanc en Provence, comparé au rosé ?

VC : Historiquement, l’encépagement en Provence s’est toujours fait très majoritairement en raisin rouge, qui sert à l’élaboration des vins rouges mais aussi des vins rosés.

TM : Avec le climat particulièrement chaud de Provence pourquoi ne fabrique-t-on pas (ou peu) de vin blanc moelleux ?

VC : On ne produit du moelleux que de façon marginale en Provence car le climat méditerranéen chaud entraîne une dégradation importante de l’acidité des raisins. Cela nuit considérablement à l’équilibre du vin obtenu (trop d’alcool, trop chaud, trop lourd).

TM : On entend souvent dire que le vin blanc fait « mal à la tête ». Serait-il moins bon pour la santé que le vin rouge ? La vinification est-elle différente ? Est-ce qu’il y a plus de sulfites ?

VC : Le vin rouge est un véritable concentré de bienfaits. Il contient, entre autres, des vitamines B et C, du fer, du phosphore et des protides. Il intervient dans la prévention des maladies cardiovasculaires, car il possède des propriétés antioxydantes. Et pour couronner le tout, il facilite la digestion ! Les vins blancs, comme les vins rouges, ont des propriétés très intéressantes pour l’organisme. Ils sont riches en vitamines B, en silice et en calcium. Le vin blanc est un excellent diurétique. Tout comme le vin rouge, c’est un tonique et un antibactérien. Généralement, les vins rouges sont issus de macération entre la pellicule (peau) et le jus. Les vins blancs sont issus de pressurage direct et le jus est mis à fermenter. Blancs, rosés ou rouges, tous les vins contiennent du soufre. Historiquement, les techniciens de chai avaient tendance à sulfiter davantage les vins blancs car, par empirisme, ils pensaient qu’ils étaient plus sensibles à l’oxydation. Aujourd’hui de façon générale, c’est de moins en moins vrai.

TM : Quels sont les principaux cépages utilisés dans les blancs de Provence ?

VC : On utilise principalement le rolle (vermentino), le sémillon, la clairette et l’ugni blanc.

TM : Quel est la différence entre un vin dit « naturel » et un vin biologique ?

VC : Le vin biologique est réglementé par un cahier des charges européen. Il garantit qu’aucun produit chimique n’a été utilisé pour traiter les vignes, qu’aucun herbicide n’a été répandu pour se débarrasser des mauvaises herbes, ce qui impose de travailler de manière mécanique. Pour la fertilisation, seuls les produits naturels sont autorisés, comme par exemple le fumier de bergerie composté. Il n’existe pas de réel cahier des charges pour le vin naturel ou le vin nature. L’objectif est d’ajouter le moins d’intrants possible, et surtout le moins de sulfites possible au moment de la vinification. Les vins sont nécessairement issus de vignes cultivées en agriculture biologique ou biodynamique. Une fois les raisins bio vendangés, la vinification se veut la plus naturelle possible.

 

 

 

L’abus d’alccol est dangereux pour la santé.