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Eliane Zayan, la « drôle de dame »

Pour ToutMa, Agnès OLIVE, écrivaine, romancière et éditrice, vous raconte le parcours d’une femme qui vit et travaille dans le Sud. Toujours de belles histoires de femmes.

Aujourd’hui adjointe au Maire pour le cinéma, les arts de la rue et les industries culturelles, Eliane Zayan travaille depuis longtemps en coulisses. Elle est née à Alger mais est arrivée comme beaucoup de pieds-noirs en 1962 à Marseille, alors qu’elle avait neuf ans. Et pourtant ses racines sont ici. Elle est formelle : « J’adore Marseille, j’ai énormément voyagé, mais j’aime vivre à Marseille, et je n’ai jamais ressenti le besoin de retourner à Alger. Chez moi, c’est ici ». Au départ elle fait des études de technicienne en pharmacie, pour finalement ouvrir un centre de remise en forme pendant plus de dix ans « parce que je ne fais que ce que j’aime » dit-elle en riant. Mais sa vraie passion c’est le théâtre de boulevard, et elle fait les festivals d’humour dès qu’elle le peut. C’est une amie qui travaillait dans le milieu de la communication qui va lui permettre de rencontrer à l’époque des inconnus tels que Stéphane Guillon ou Dany Boon… Petit à petit elle commence à fréquenter ce monde-là. Elle réalise alors que les comédiens de café-théâtre se plaignent qu’il n’y a pas de scène à Marseille. C’est vrai qu’à l’époque il n’y avait rien, ou presque. Elle décide alors de remédier à ce vide culturel parce que c’est très important dit-elle. « Certaines personnes pensent que l’humour n’est pas de la culture. Pour moi, au contraire, c’est de la culture populaire, au bon sens du terme, cela permet de parler de tout, de dédramatiser la vie. Noëlle Perna, une de mes premières rencontres quand j’ai commencé dans le métier, qui est pied-noir, faisait un sketch sur le drame absolu que nous avons vécu, et j’ai trouvé fabuleux de pouvoir rire de cela. À travers l’humour on peut faire passer des messages très sérieux. Je pense à la femme de Romain Bouteille par exemple qui avait un drôle de sketch sur la mort, elle donnait une autre image du passage ».

Elle apprend alors son métier sur le tas, en commençant par organiser des soirées privées de théâtre avant de créer au début des années 90 son premier théâtre à Marseille : Le Quai du rire. Il existe toujours mais s’appelle aujourd’hui Le Théâtre de Tatie. « On m’a surnommé « la tatie du théâtre » parce que je materne les comédiens, paraît-il. C’est Titoff qui m’a appelé comme ça le premier, parce que je le maternais comme sa tatie » ! En 1995 elle invente le « Festi’Femmes », un festival d’art et d’humour au féminin qui a lieu chaque année autour de la journée de la femme du 8 mars et qui connaît depuis le début un grand succès. Et en 2005, pour les 10 ans du festival qu’elle a organisé au Dôme, elle a reçu la Médaille de la Ville de Marseille du Maire Jean-Claude Gaudin. « Je trouvais que l’humour au féminin était très peu connu et reconnu, et avait encore plus de mal à se produire que l’humour au masculin. Ce domaine de l’humour était souvent réservé aux hommes, et pourtant l’humour féminin est souvent beaucoup plus fin, plus subtil, moins graveleux que celui de certains hommes, notamment pour parler de sexe. Il faut voir le sketch emblématique de Marianne Sergent sur la fellation ! Imagé, osé, très drôle et en même temps très délicat. Ça n’aurait pas pu être fait par un homme, enfin pas de cette façon ! » s’amuse-t-elle. En 2006, elle crée le Théâtre de l’Archange, un café-théâtre dans les quartiers sud à Marseille. Un théâtre accueillant, une scène ouverte toujours dans une optique de découverte, de mise à disposition d’espace parce que « toutes les stars d’aujourd’hui ont commencé comme des débutants et ont cherché des scènes pour se faire connaître » confie-t-elle, « proposer aux talents de se montrer, c’est ça mon job dans le théâtre ».

En 2008, elle vient à la Ville de Marseille à la demande de Renaud Muselier. « Ils cherchaient quelqu’un comme moi, de neutre, venant de la société civile, non marqué politiquement. Comme j’avais l’habitude d’organiser des spectacles, j’ai accepté. Il fallait bien cela pour pouvoir organiser le Feu d’Artifice du 14 juillet, la Fête du Vent, le Carnaval ou le Cinéma à Marseille ! Je ne regrette pas, c’est une très belle expérience, tant sur le plan personnel que sur le plan humain. J’y fais de très belles rencontres et j’ai l’impression d’aider les artistes par mon travail et de servir l’art et la culture dans ma ville. J’avais peur de faire un peu de « figuration » pour reprendre un terme de cinéma mais non, pas du tout. Il y avait beaucoup de retard au niveau des infrastructures, mais des choses ont été réalisées par la Municipalité depuis : le Château de la Buzine, le Silo, le Mucem, le Pôle Media, le Grand Longchamp… et j’en suis ravie ».

Bien dans sa peau de femme, Eliane Zayan se dit « féminine mais pas féministe », elle fait partie de ces « femmes qui sont heureuses d’être des femmes ». « Je me sens bien en tant que femme, même si le rôle d’une femme dans la vie est plus lourd que celui d’un homme, parce que nous en faisons plus qu’eux, nous portons beaucoup plus de poids sur nos épaules, mais nous avons je pense aussi plus d’atouts » explique-t-elle, « c’est pourquoi je ne veux pas revendiquer quoi que ce soit pour les femmes, sauf des injustices sociales comme la différence de salaire à travail égal qui est une honte, mais ça c’est pas être féministe, c’est simplement être juste et vouloir l’équité ! Pour le reste, ça ne me dérange pas de faire la vaisselle et de bons petits plats car j’adore cuisiner pour les gens que j’aime, et je ne veux surtout pas savoir changer une roue ! » ajoute-t-elle, et toujours en riant bien sûr !

 

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