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Michel Patrizio. De l’art délicat d’etre mosaïste

Artistes et personnalités d’ici. Écoutez-les se raconter, tous arts confondus, sous forme d’un portrait, d’un moment partagé. Ce sont les beaux portraits.

Mosaïste. En France, ce n’est même pas un métier. Les mosaïstes sont considérés comme des carreleurs. Ce n’est pas que nous ayons une dent contre les carreleurs, mais il y a quand même une sacrée différence entre les jolis motifs « vagues et dauphin » du carrelage de votre salle de bains et les superbes fresques ornementales des voûtes de Notre-Dame de la Garde. C’est dans ce flou « artistique » que la famille Patrizio exerce son art depuis 110 ans maintenant, dans ce qui est le plus vieil atelier de France, ici, à Marseille. Michel Patrizio, 67 ans, en est l’actuel représentant, la troisième génération à reprendre la marteline pour façonner des tesselles sur le tranchet. Sa famille d’artisans mosaïstes est illustre et pourtant bien discrète : le sol de l’opéra de Marseille, l’église des Réformés, le Sacré-Cœur du Prado, l’église de la Belle-de-Mai, celle de Saint-Just, de Saint-Mitre, la basilique du rosaire à Lourdes (avec ses quinze chapelles), celle de Notre-Dame-de-la-Garde et, tout récemment, la basilique de Fourvière à Lyon… la liste est longue des sites où vos pieds et vos yeux sont en communion avec l’art discret des délicats Patrizio. Dans l’atelier de Michel Patrizio, on comprend que derrière l’artisan se cache l’artiste. Toutes les petites tesselles rouges, vertes, bleues, dorées ou argentées vous le diraient si elles pouvaient parler. Rencontre…

110 ans de métier et Marseillais !

Je suis mosaïste, issu d’une famille de mosaïstes qui se transmet le métier depuis 110 ans cette année. Un atelier qui a perduré tout le XXe siècle. C’est en fait le plus vieil atelier de France en mosaïque. À Marseille, nous sommes et nous étions les seuls en tant que mosaïstes. J’ai pris la succession de mes parents, dans les années soixante dix et j’ai redéveloppé la mosaïque décorative notamment à bord des plus grands yachts de luxe, ceux des armateursGrecs et du roi Fahd d’Arabie Saoudite.

Depuis une dizaine d’années, je suis devenu l’un des spécialistes de la restauration de mosaïques du XIXe siècle. C’est-à-dire des mosaïques de verre et d’or de Venise. Je restaure des basiliques ou des cathédrales de la fin du XIXe siècle.

Origines de la famille PATRIZIO…

Mes grands-parents sont originaires de Sequals en Italie, dans la région du Frioul. Ce petit village à fait naître les plus grands mosaïstes du monde. À l’époque, on appelait cela des « terraziere ». À la fin du XIXe siècle, les hommes de la famille sont arrivés en France, à Paris tout d’abord puis à Marseille en 1903. L’atelier de l’époque était au cours Lieutaud. C’est mon grand-père, Ettore, qui a fondé l’entreprise avec ses deux frères, Dante et Camille.

Transmission, générations…

Mes trois frères et sœurs n’ont pas voulu entendre parler de cette profession. Quant à moi, au départ, cela ne m’intéressait pas spécialement. Mais mon père m’a très vite fait comprendre qu’il avait besoin de moi. Et puis ce métier m’a conquis et j’ai même à l’heure actuelle des difficultés à prendre ma retraite.

Aujourd’hui, ce sont mes deux filles qui continuent. Ma fille aînée continue l’activité à temps plein, elle est mosaïste. Et la cadette, qui a fait des études de photographie, ne peut pas s’empêcher de faire de la mosaïque ! C’est comme cela que nous avons traversé plus d’un siècle. Elles développent de nouveaux axes de travail. Je suis très heureux de cette relève.

Mosaïste. Artiste ou artisan ?

Je pense que la plupart des « artistes mosaïstes » vivent difficilement. Pour moi, le mosaïste c’est donc avant tout un artisan, il est là pour décorer les bâtiments. C’est quelqu’un qui a monté son entreprise et qui essaie de vivre de ce métier. Alors je dirai que si pour vous c’est une passion, n’hésitez pas, même si c’est un métier physiquement éprouvant et parfois stressant, faites-le, la demande existe pour celui qui sait faire valoir son talent.

D’autre part, pour faire sérieusement cette profession, il faut choisir la bonne voie comme la « Scuola Mosaicisti del Friuli », à Spilimbergo en Italie. L’admission est sur concours, avec niveau Bac. Les jeunes y viennent du monde entier pour étudier dans ce qui est le berceau de la mosaïque. En ce qui me concerne, tous les jeunes que j’ai embauchés sont sortis de cette école. Ce qui fait que mon atelier est très polyglotte : Colombie, Italie, Allemagne, Hollande… Une mosaïque de peuples !

Pour tout savoir sur l’atelier Patrizio :
www.mosaiques-patrizio.com

Pour se former et apprendre le métier :
En Italie : www.scuolamosaicistifriuli.it
En France : (différents cycles de formations de 10 jours environ) : www.maisondelamosaique.org

 

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