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Olivier Baussan conservateur des savoir-faire

Interview parue dans le magazine ToutMa d’octobre 2015.

Ce grand entrepreneur, tout juste promu Officier de l’Ordre du Mérite Agricole, préfère être appelé par son prénom. Sa voix douce et posée pourrait être celle d’un conteur, tant elle est empreinte de suavité, cadencée par l’équilibre du rythme de sa diction. Aussi parce que la vie même d’Olivier Baussan ressemble à un conte, mais bien réel celui-ci ! Un récit empreint de passion pour son terroir, de rencontres, de hasards, de convictions et d’engagements. Un parcours qu’il narre avec poésie, une ode à la Provence, aux métiers de la terre, loin du pragmatisme que l’on pourrait attendre d’un chef d’entreprise de son acabit. Depuis 40 ans, Olivier Baussan a fondé L’Occitane, Oliviers and Co, Le Petit Marseillais – avec son ami journaliste Bernard Langellé – La Biscuiterie de Forcalquier et Maison Brémond 1830, créé l’Écomusée l’Olivier à Volx, le Musée de L’Occitane, puis racheté La Confiserie du Roy René. Rencontre avec un homme qui est à l’écoute, vit dans le partage, la transmission et sait prendre le temps de la contemplation.
ToutMa : Dans toutes vos actions vous incarnez la Provence, cette passion, la tenez-vous de votre famille ?

Olivier Baussan : Oui et non. Mes parents qui étaient plutôt intellectuels – ma mère artiste et mon père journaliste – se sont installés en Provence l’année de ma naissance où ils ont décidé de faire ce retour à la terre, dans les années 50, bien avant la grande mode des années 70. En fait, j’ai été élevé par des apprentis paysans qui avaient un regard artistique et esthétique sur le paysage avec lequel ils s’étaient mis en phase. On peut dire que je leur dois beaucoup, mais ce n’est pas un héritage familial à proprement parler. En tout cas, j’ai grandi à la campagne, à Ganagobie exactement, pas loin du monastère, et je n’ai jamais quitté cette région de Forcalquier.

TM : Quelle a été votre formation ?

OB : J’ai fait une maîtrise de lettres modernes à Aix et puis je suis passé directement du stade d’étudiant au stade de distillateur ! Le contexte universitaire aixois des années 75 n’était pas lisse ; les étudiants en fac de lettres s’interrogeaient beaucoup et nous étions en lutte contre la fac de droit notamment. Est arrivé alors le premier choc pétrolier, nous étions tous soucieux pour notre avenir suite aux Trente Glorieuses que nos parents nous avaient construits après guerre. Le sentiment du mot écologie était en train de naître et, nous qui n’avions pas participé aux révoltes étudiantes de 68 (je n’étais qu’en 3ème), poussé par ce choc pétrolier, nous nous sommes questionnés sur l’écologie. C’est à ce moment-là que j’ai fait la découverte d’un alambic à lavande, j’ai même envie de dire « la rencontre », car ce fut pour moi un déclic !

TM : Un déclic qui vous fait basculer vers le métier de distillateur ?

OB : Oui, sans savoir exactement ce que j’allais faire, cet appareil a suscité ma curiosité et l’envie d’apprendre. Couper moi-même des plantes, les distiller, aller les vendre sur les marchés, j’ai appris à le faire avec un certain bonheur, parce que je m’inscrivais dans une préservation de tradition d’un territoire et c’est ce qui est finalement devenu le fil conducteur de mes actions jusqu’à aujourd’hui. Avec La Confiserie du Roy René, je m’inscris comme quelqu’un qui vient préserver une tradition et la transmettre. Redonner l’envie et les moyens d’exploiter à nouveau le patrimoine d’un territoire comme l’amandier ou l’olivier. C’est là que se situe mon engagement depuis toujours. Je me sens très conservateur des savoir-faire. C’est pour cela que j’adore les musées.

TM : D’autres étapes marquantes dans votre incroyable parcours ?

OB : Oui, avec L’Occitane, quand je suis parti aider les Cap-Verdiens à faire du savon, à valoriser cet oléagineux qui était l’une des rares ressources de l’île à une époque où la population nouvellement indépendante avait besoin de tout. Cette expérience je l’ai reconduite au Burkina Faso avec le beurre de karité. Être le premier à découvrir cet ingrédient, mettre en place des coopératives de femmes pour le récolter, aider une population à valoriser ses ressources, c’est ce dont je suis le plus fier parce que c’est durable et cette notion m’importe beaucoup. Cela fait 30 ans ! C’est une réussite économique qui permet à 17 000 femmes d’en vivre désormais. La valeur de « co-développement » est essentielle pour moi.

TM : Avec votre épouse, vous aimez aussi concevoir les packaging des produits, n’est-ce pas ?

OB : Oui, imaginer le stylisme des packaging, cela me plaît ! C’est ce que je continue de faire pour L’Occitane tout en restant le « porteur d’âme », poursuivant l’esprit de toutes les actions que j’ai pu mener jusque-là. Pour la Confiserie Du Roy René, je m’occupe aussi de la création de produits et du « concept boutiques » ; je travaille avec mon épouse qui a notamment créé le personnage du Petit Marseillais ainsi qu’une magnifique boîte L’Occitane dans laquelle sont emballées les fragrances imaginées par Pierre Hermé à qui j’ai demandé cette création pour un coffret en édition limitée spécial Noël. Une très belle collaboration en boutiques pour cette fin d’année.

TM :  Vous avez nommé il y a un an Laure Pierrisnard Directrice Générale de La Confiserie Du Roy René, quelles qualités possède-t-elle à vos yeux ?

OB : Laure est entrepreneur dans l’âme et plutôt que de la laisser monter sa structure, je lui ai proposé de prendre la direction de l’entreprise du Roy René ! Cela permet une transition avec Maurice Farine (ancien directeur, 3ème génération de « calissonniers », désormais Président d’honneur) sachant que je ne pouvais m’en occuper pleinement.

_http://calisson.com
_http://fr.loccitane.com
_www.maison-bremond-1830.com