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Jany Gleize, le goût du bonheur

Les plats de Jany Gleize ont le goût du bonheur. Sa cuisine est celle d’un auteur passionné par son métier, son terroir et la tradition des recettes de famille, comme celles de sa grand-mère Gabrielle qu’il réinvente avec élégance et modernité. Champignons, truffes, huile d’olive, herbes, fromage, miel de lavande et amandes… autant de produits d’ici qu’il accommode avec poésie. Même si l’exigence est partout, cuisiner paraît être un jeu. L’homme a gardé son âme d’enfant, celle du petit garçon qui observait son père aux commandes de La Bonne Étape. Jany Gleize incarne la bienveillance et la simplicité. Maître-cuisinier de France, il est formé chez Jo Rostang, Pierre et Jean Troisgros, Alain Chapel et Michel Guérard, et fut même invité par le président Mitterrand à préparer le dîner des chefs d’état lors du bicentenaire de la Révolution française. Avec la sortie de son livre de 50 recettes illustrées, le chef ouvre les cuisines de son restaurant étoilé au Guide Michelin depuis 52 ans et nous donne les clés de son bonheur.

ToutMa : Pourquoi ce recueil de cuisine maintenant ? Quelles étaient vos envies ?

Jany Gleize : L’envie de transmettre, de partager est une raison de vivre permanente. L’envie d’écrire ce livre, oui… depuis longtemps. Je n’ai peut-être pas rencontré les bonnes personnes au bon moment. C’est un exercice où on se livre et il faut le faire en toute confiance et liberté. Brigitte Eveno m’a contacté l’an dernier, est venue à Château-Arnoux, nous avons discuté. Le courant passait bien. Nous avons convenu d’un accord. Le livre est là. À vous de juger !

TM : Est-ce facile de retranscrire l’âme de votre cuisine, l’histoire du lieu ?

JG : Les cuisines de La Bonne étape sont un lieu d’apprentissage, pour ceux qui travaillent, pour moi qui découvre toujours… J’aime écrire, chercher les mots justes comme les justes saveurs qui savent exprimer un moment, un état d’esprit, une émotion, comme on cherche un angle et la bonne lumière pour une photo. C’est un exercice qui demande un peu de concentration, de travail, d’assiduité, mais c’est aussi un plaisir de mettre en forme une histoire, des paysages et des recettes aimés.

TM : Quels sont les autres terroirs qui vous inspirent ?

JG : La sincérité et le naturel d’un lieu sont propices à l’inspiration. J’ai tissé au long de ma vie des liens particuliers et intimes avec la Provence… J’aime l’Italie, l’Espagne, des territoires à l’accent qui chante comme le nôtre, la Méditérrannée. J’aime aussi le Rajasthan… certaines épices  viennent discrètement pimenter les recettes sans qu’aucune volonté claire ne les pose.

TM : Pensez-vous que la Provence est l’une des régions les plus riches de France ?

JG : Si je vous disais le contraire, je ne serais pas chauvin et j’ai toutes les raisons de l’être. Miel de lavande, huile d’olive bien sûr, pommes, poires et pêches, absinthe de la vallée de la Durance et du Buech, l’agneau de Sisteron, les fromages de chèvre et de brebis, les amandes, les producteurs de légumes bio, l’épeautre…

TM : Comment se passe le processus de création d’une nouvelle recette ?

JG :  Une lente gestation invisible, mystère de la création, surprise et magie toujours du résultat final convoité, espéré, voulu ! Multiples chemins toujours aléatoires, comme une source qui jaillit où et quand on ne l’attend pas… On cherche à mettre en avant un produit dont les narines ont perçu des effluves lors d’une promenade, une émotion est née. Tout se mélange, la recherche est lancée dans les souvenirs, aidée par les fruits de l’expérience. On essaye, une, deux, trois, dix fois un assaisonnement différent… Quelquefois on tombe juste du premier coup et on s’amuse à émoustiller les cinq sens, mais en privilégiant toujours le goût !

TM : Que pensez-vous de la jeune génération de chefs ? Est-ce plus facile désormais de s’émanciper et d’affirmer sa propre sensibilité culinaire ?

JG : C’est plus facile aujourd’hui de briller en faisant illusion grâce à la récente mise en lumière des métiers de bouche. Mais seuls les plus obstinés réussissent à dépasser « l’épreuve » de la médiatisation rapide.  Alors oui, c’est plus facile en un sens, mais la concurrence est aussi plus rude.

TM : Votre fille Jane a choisi de suivre la même voie (empruntée par 3 générations). Est-il trop tôt pour lui définir un style ?

JG : Jane a choisi de mettre les mains en cuisine. Le plus beau métier du monde quand on l’aime passionnément, et aussi exigeant, prenant, usant. Mais quel plaisir que de donner du plaisir, partager ce qu’on aime. Définir un style : on verra dans quelques années, on ne crée pas encore ensemble…

TM : Pour nos lecteurs, quels sont les produits de saison à cuisiner au printemps ?

JG : Les asperges vertes de Pertuis sont toujours un régal, produits rares et frais, crues en carpaccio, en vinaigrette ou simplement rôties. Les fèves avec l’anchoïade, les petits pois avec les carottes. Les petits pois en soupe. Les jeunes cébettes, crues ou en mélange avec des pommes de terre nouvelles et des petits navets. Les jeunes pousses de thym et de sariette. L’agneau et le cabri surtout, en ces périodes pascales !

 

LA BONNE éTAPE _www.bonneetape.com
Chemin du Lac, Château-Arnoux-Saint-Auban

 

Editions Brigitte Eveno _www.brigitteathome.com

La Bonne Étape de Jany Gleize
Photos de Delphine Amar-Constantini
160 pages _35 €