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Lisa Vignoli, confidences d’auteur

 

Quand une jeune et talentueuse journaliste livre avec simplicité toute l’intimité de sa démarche écrivaine, on lui envie son aisance. Lisa Vignoli aime les gens et raconter leur histoire. Photographe émérite, journaliste d’investigation, sociologue de la mode, cette jeune Marseillaise s’est déjà fait un nom dans le monde de la presse parisienne. Et bientôt dans celui des auteurs à succès, après avoir vu son premier roman être sélectionné pour deux prix littéraires, le Renaudot et le Flore…

 

ToutMa : Comment prend-on la décision d’écrire un roman ?

Lisa Vignoli : Je pense que c’est une envie qui mûrit lentement. Pour moi, cela faisait plusieurs années qu’elle était là sans que je ne me lance vraiment. Paradoxalement, si j’osais, je dirais que j’ai toujours su, depuis l’âge où l’on se permet d’y penser, qu’un jour, j’écrirais et que je publierais un livre. Il y a même deux ou trois bouts de débuts qui traînent encore dans mes tiroirs et puis, celui-là qui vit sa vie aujourd’hui.

TM : Avais-tu déjà ton sujet en tête depuis longtemps ?

LV : Non, mais il s’est imposé très vite. Comme si je savais. Deux ans pile après la naissance de cette idée, Parlez-moi encore de lui est sorti en librairie. Entre temps, il y a eu la rencontre du sujet et de mon éditeur, l’écriture, la fabrication et enfin la publication. Deux ans, ça paraît long, mais pour tout ça c’est assez rapide finalement !

TM : Comment expliques-tu la fascination qu’exerce Jean-Michel Gravier (ton personnage principal) sur toi ?

LV : Ma rencontre (fictive puisqu’il est mort quand j’avais 7 ans) avec ce personnage est totalement au cœur du livre. Il y a sans doute une profession commune, la nôtre, journaliste. Une sensibilité et un enthousiasme aussi, qui résonnaient en moi. Et puis, son parcours prometteur, flamboyant, qui a pris fin trop tôt. En découvrant cet homme j’ai pensé à une phrase du romancier James Joyce qui dit : « Il mourut avec un bel avenir derrière lui ». Je voulais raconter ce bel avenir, le faire durer un peu.

TM : Quelles ont été les difficultés que tu as pu rencontrer ou à l’inverse les plaisirs que tu as ressentis pendant le temps de l’écriture ?

LV : La principale difficulté est assez banale quand on écrit : le sentiment que je n’allais pas arriver au bout, tenir le marathon. Ce qui est assez mince et passe en s’y collant ! Les plaisirs ont été beaucoup plus vastes. Comme je n’ai pas connu mon personnage, j’ai dû enquêter, aller chercher ceux qui l’avaient côtoyé. Cette phase d’enquête, par exemple, a été un immense bonheur fait de rencontres assez dingues comme celle d’Isabelle Adjani qui m’en a parlé avec une grande émotion, les larmes aux yeux, ne voulait plus lâcher ma main au moment de nous quitter. Plus j’avançais, plus je me réjouissais : je suis partie d’un dessin blanc dont je n’avais que les contours et chaque entretien venait colorer et préciser le visage de cet homme après qui je courais. Surtout, tout le monde avait l’air de confirmer mon intuition. Parler de lui devenait une bonne idée.

TM : Combien de temps pensais-tu que l’écriture prendrait ?

LV : Je n’en avais pas la moindre idée. C’était ma première fois. Comme dans une histoire d’amour, j’essayais simplement de rendre le quotidien agréable sans me demander combien de temps tout ceci allait durer.

TM : Est-ce la maison d’édition qui choisit ses auteurs ? Comment s’est passée ta rencontre avec Stock ?

LV : Bien sûr, Stock choisit ses auteurs. C’est d’ailleurs une maison d’édition dont je lisais beaucoup de livres avant qu’elle ne devienne la mienne. La rencontre s’est faite assez naturellement : je savais plus ou moins que Manuel Carcassonne (le directeur général) souhaitait que l’on fasse quelque chose ensemble alors, quand j’ai eu une idée je la lui ai proposée et il m’a dit « oui » tout de suite. C’était courageux de sa part de vouloir un livre sur un inconnu écrit par une inconnue !

TM : Tu as été nominée dans la catégorie essai pour le prix Renaudot et également sélectionnée pour le prix de Flore, quelle a été ta réaction en l’apprenant ?

LV : Je me dis : « Qui est cette fille qui porte ton nom et te ressemble sur ces listes ? »

TM : Es-tu revenue au journalisme aujourd’hui ?

LV : Je n’ai même jamais arrêté. Pendant que j’écrivais, je continuais à rédiger mes articles pour M, le magazine du Monde, Vanity Fair et Grazia. Et j’ai repris de plus belle, depuis !

TM : Quels sont tes domaines de prédilection, tes préférences dans ce métier ?

LV : Je suis dingue de portraits. Ce n’est pas un hasard si mon premier livre en est un, en quelque sorte. J’aime creuser les personnalités, chercher les paradoxes, les forces, les failles, comprendre les itinéraires de vie. Les gens sont passionnants, non ?

TM : Quels sont tes projets pour demain ?

LV : Mon principal projet est de continuer à faire et écrire ce que j’aime. Concrètement cela passe par l’écriture d’un scénario, des articles qui me passionnent, la création d’un « Prix Jean-Michel Gravier » et d’un deuxième livre (que je viens de signer) !

Photo _©Philippe MATSAS/Leemage