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JR, le vrai visage du monde

Le hangar du J1 crée l’événement en accueillant les œuvres de deux artistes de renommée internationale à qui l’association MP2018 a donné carte blanche. Korakrit Arunanondchai, artiste thaïlandais qui vit à New York, et JR, photographe et réalisateur français, vont investir ce bâtiment emblématique, symbole du passé industriel et portuaire de Marseille, lieu phare de la Capitale européenne de la culture. Des expositions spécialement imaginées pour le programme Marseille Provence « Quel Amour ! ». Un thème universel pour des artistes qui placent l’humain au centre de leur art. JR, lui, utilise un langage graphique qui ne cesse de surprendre et d’interroger, à travers les portraits monumentaux qu’il expose librement dans les rues du monde entier.

La carte blanche de JR au J1

À quelques jours de l’exposition, le service de presse reste très secret sur les intentions de JR au J1. Simple volonté de l’artiste ? Ce que l’on sait toutefois du projet c’est qu’il « va mettre en scène l’amour porté par Marseille à la mer et aux voyages ». Le hangar, comme un vaisseau mystérieux enchaîné au quai, servira de support à une installation monumentale. Les spectateurs pourront parcourir ses artères tentaculaires dans un cheminement physique et mental, découvrant des images spectaculaires au gré d’une marche aléatoire. Une destination commune à tous où pourtant chaque parcours, chaque perception du visiteur/voyageur sera unique.

La ville comme toile de fond  

Le grapheur de Montfermeil, né le 22 février 1983, se définit comme un « artiste urbain ». Reconnaissable à sa silhouette élancée, un chapeau vissé sur la tête et ses lunettes noires, JR a choisi la ville comme support et le graff, puis la photo, comme mode d’expression. « J’ai commencé à 15 ans dans les rues de Paris en faisant des tags, j’écrivais mon nom partout en me servant de la ville comme d’une toile… C’était comme laisser notre marque sur la société pour dire « j’étais là » en haut d’un immeuble. Quand j’ai trouvé un appareil photo dans le métro, j’ai commencé à faire un reportage de ces aventures, tirant les photos sous forme de petites photocopies. Puis, j’ai affiché. J’ai fait ma première expo de rue à 17 ans. J’encadrais mes photos avec une bombe de couleur pour qu’on ne les confonde pas avec de la pub ! La ville est la meilleure galerie que je pouvais imaginer ! »* Une manière directe de s’exprimer et d’exister, à la frontière de la photographie et du street art. Ses photographies collées ont depuis pris la taille des murs, des immeubles, conférant à ses portraits une grande puissance architecturale par le truchement d’un anamorphisme dont lui seul a le secret, avec le noir et blanc pour signature, comme une empreinte éternelle.

« L’artiviste » urbain

Par sa démarche artistique et à travers l’utilisation de la photographie il attribue un rôle social, esthétique et politique à l’image. Il donne aux sujets de ses photographies une voix et une présence uniques. Ses grands portraits de jeunes de banlieue exposés dans les quartiers bourgeois de Paris (Portrait d’une génération) ou ceux d’Israéliens et de Palestiniens, face à face, affichés de part et d’autre de la barrière de sécurité de la cité brisée de Bethléem (Face to Face), montrent des visages drôles, déformés par des grimaces. Touchants, étonnants, ils se rapprochent de la caricature mais surtout de nous. Il n’est plus question de « racaille » ou de tout autre jugement social ou religieux… l’humain a pris le dessus.

Dans Women are Heroes, JR souligne cette fois la dignité des femmes qui sont souvent prises pour cible dans les conflits armés. Il a ainsi invité maris et veufs à leur rendre hommage en lui apportant leurs photos. JR donne ainsi la parole aux anonymes, aux oubliés et propose un art participatif. Des favelas de Rio aux bidonvilles d’Afrique, les communautés tout entières s’initient aux actions de collage. Tout le monde vient jouer un rôle et les spectateurs deviennent acteurs. C’est aussi le cas dans Visages Villages, road movie réalisé avec Agnès Varda dans les campagnes de France qui vient d’être nommé aux Oscars 2018 dans la catégorie meilleur film documentaire.

Le travail de JR mêle art et action : il interroge, remet en cause nos préjugés et ouvre de nouvelles perspectives. Il nous parle d’engagement, de liberté, d’identité et invite au dialogue ceux qui ne fréquentent pas les musées. Qui dit que l’art ne peut pas changer notre perception du monde ?

Amor Fati du 14 mars au 13 mai
J1 place de la Joliette, Marseille 2ème
_www.jr-art.net/fr

Photo en une _Chroniques de Clichy-Montfermeil, France 2017 ©JR