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Emmanuel Mouret, Diderot dans la lumière du cinéma

L’événement cinéma de la rentrée, c’est le très beau film d’Emmanuel Mouret, Mademoiselle deJoncquières dans lequel Cécile de France et Édouard Baer rivalisent de talent dans des rôles inhabituels. La première fois que nous avions rencontré ce cinéaste originaire de Marseille, c’était pour la sortie de Changement d’adresse, en 2006. Aujourd’hui, Emmanuel Mouret compte parmi les réalisateurs français les plus doués de sa génération, avec un style très reconnaissable d’autant qu’il signe ici aussi le scénario, inspiré librement de Diderot.

ToutMa : Qu’est-ce qui t’a donné un jour envie de faire du cinéma ?

Emmanuel Mouret : Ce sont les films… tout simplement ! Je pense que cela commence comme ça pour un grand nombre d’entre nous. À l’époque, c’était plutôt des comédies, celles de Chaplin, de Jacques Tati ou encore celles d’Yves Robert, comme Le Grand Blond avec une chaussure noire, par exemple ! J’aimais aussi beaucoup les films de Fellini… Ils me touchaient. Après ce sont les films de Marcel Pagnol, de François
Truffaut avec une forte intensité de dialogues qui m’ont séduit.

TM : Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire ce film ?

EM : C’est presqu’une suggestion de mon producteur, qui m’a dit un jour : « Ce serait bien que tu fasses un film en costumes… As-tu une idée ? » Je me suis alors souvenu de ce passage dans Jacques le Fataliste… Il m’a fallu quelque temps tout de même pour avoir le courage d’aborder l’adaptation d’un grand auteur comme Diderot ! Je me suis jeté à l’eau et finalement tout s’est enchaîné assez facilement… Je me suis senti légitime dans l’écriture de tous ces dialogues.

TM : Quel est le contexte de cette époque romanesque ? 

EM : C’est une époque révolue. L’histoire se déroule dans la noblesse, avec des personnages qui ont tout le temps pour eux, tout le temps à consacrer à leurs sentiments… La marquise de La Pommeraye dédie toute sa fortune et son énergie à sa vengeance ! C’est cette démesure qui fascine ainsi que cette époque où l’Ancien Régime bascule, où les frontières morales ne sont plus très claires… Une époque qui porte le goût du plaisir, de la passion et aussi d’une certaine émancipation.

TM : Cécile de France et Édouard Baer ont tous deux de fortes personnalités. Quelles ont été tes plus belles satisfactions avec eux ?

EM : D’abord l’implication et la force de travail de Cécile de France. Elle a préparé son rôle pendant trois mois… Un rôle très complexe, avec beaucoup de répliques et dont l’interprétation a mis le niveau très haut dès les premières prises. Toute l’équipe était médusée par sa performance de comédienne et s’est mise au diapason de cette excellence. Édouard, lui aussi, a été porté par l’ambiance générale et c’est un Édouard Baer comme on ne l’a jamais vu. Il endosse un rôle plus dramatique, avec les couleurs qu’on lui connaît, mais je pense que les spectateurs seront vraiment surpris… 

TM : Tourner en costumes d’époque a-t-il eu un impact sur le jeu et les attitudes ?

EM : S’il y a bien un aspect important quand on tourne un film d’époque, c’est celui qu’on appelle le HMC : Habillage, Maquillage, Costumes. La beauté des costumes transcende le décor, la mise en scène et nous transporte immédiatement dans la fiction. D’emblée, ces êtres costumés nous touchent car il n’y a pas les filtres de l’actualité. J’ai eu la chance de travailler avec un super talent, Pierre-Jean Larroque, chef costumier et créateur des costumes du film, lesquels ont ensuite aiguillé les coiffures et les décors. 

TM : Tu es marseillais. Seras-tu un jour inspiré par l’univers truculent de notre région, si puissant dans le registre verbal ? 

EM : J’ai tourné mes trois premiers films à Marseille ! Et j’ai surtout montré un Marseille-sud, un peu par opposition au Marseille-nord de Guédiguian, pour dévoiler une autre facette de la ville… À Marseille, on a toujours un peu peur de tomber dans le cliché à cause de cette identité très forte. C’est plus facile de tourner à Paris, c’est plus neutre…