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Stéphan Muntaner, des images qui se racontent 

Le M sur le Vieux-Port devant lequel les touristes se prennent en photo et toute l’identité visuelle de MP 2018, c’est lui ! La signature graphique de Lieux publics, Panier des sens ou La Compagnie de Provence, c’est lui ! L’expo « Parade » au Mucem ou les pochettes d’album d’IAM pendant plus de 10 ans, dont le mythique L’école du micro d’argent, c’est encore lui ! Rencontre avec le plus prolifique faiseur d’images de la planète Marseille… 

 

ToutMa : On voit ton travail sur des affiches dans la rue ou sur des toiles dans des galeries… Graphiste ou artiste, comment te définir ?

Stéphan Muntaner : Je suis plutôt « un point de vue ». (Rires) Comme je travaille dans différents domaines d’expression visuelle, je suis aussi bien plasticien qu’affichiste, vidéaste que scénographe… C’est réducteur mais si l’on devait cocher une case ce serait graphiste/designer. L’affiche est mon support préféré, elle reste un super vecteur de création dans l’espace public. Je l’aime depuis tout petit, lorsque, boulevard Baille, je me promenais et que je voyais « Défense d’afficher » sur les murs… 

TM : Tes plus gros projets ?  

SM : Je collabore depuis longtemps avec La Machine, une compagnie de théâtre de rue dirigée par François Delarozière. Ce Marseillais m’a amené à Nantes avec Les Machines de l’île, puis à Toulouse pour l’ouverture, récente, de La Halle de la machine. Je travaille sur un univers riche de références pour que l’identité graphique soit une valeur ajoutée au projet. Mes affiches ne sont pas que de l’information : c’est une partie intégrante du programme ! 

TM : Des influences, un style ?  

SM : J’en reviens à « mon point de vue ». Mon style, c’est ma façon d’aborder les choses, plutôt que la réponse graphique. Je ne trouve pas qu’on puisse me définir par une esthétique. J’ai un penchant pour le rétro mais faire toujours la même chose, comme Hergé qui a dessiné Tintin toute sa vie, ce serait une torture ! Ce qui est à la mode aujourd’hui sera ringard demain alors que l’idée, elle, ne vieillira pas. C’est pour cette raison que je présente d’abord toutes mes créations oralement. Je ne suis pas embauché pour un visuel mais pour une histoire. J’aime la narration et concevoir des visuels qui sont compréhensibles par le plus grand nombre mais en y mettant différents niveaux de lecture avec des références un peu plus complexes… Mes influences sont multiples et pas forcément picturales. Elles viennent autant de l’histoire de l’art que de la culture populaire. Par exemple, en cinéma, ça va aller de Méliès à Tarantino. J’adore Kubrick autant que l’humour des Monty Python… 

TM : Tu travailles toujours seul, que le projet soit gros ou petit…  

SM : Je n’ai aucune réticence à faire un « petit » boulot, je me compare souvent à un chef cuisinier qui aurait commencé comme commis. En étant mon propre chef je maîtrise toutes les étapes d’une réalisation. Je sais ce qu’il est possible de faire esthétiquement et dans le temps et le budget impartis. Et puis, c’est compliqué de déléguer tout en gardant une exigence de qualité.

TM : Il y a eu deux livres sur ton travail : un avec le studio Tous des K et l’autre avec C-Ktre mais tu n’as pas de site Internet. C’est étrange pour un graphiste, non ? 

SM : (Rires) Alors qu’on a eu, avec Didier D. Daarwin, une Victoire de la musique pour le site Internet d’Akhenaton en 2002 ! Ça fait 20 ans que je me dis qu’il m’en faudrait un, mais le site étant un média, il faudrait l’actualiser sans cesse et je manque de temps. Avoir un site vitrine ne m’intéresse pas. Donc j’y réfléchis mais ce n’est pas un besoin… 

TM : Tu donnes des cours à des étudiants depuis de nombreuses années, qu’est-ce qui a le plus changé ? 

SM : L’arrivée du digital est évidemment une révolution mais on continue à enseigner les bases avec le pinceau et le crayon. Et je ne mets que des bonnes notes, parce que tant que ce n’est pas bien, il faut qu’ils recommencent ! Il n’y a pas de mauvaise réponse mais différents « points de vue » (Rires), il faut que chacun développe le sien…

TM : Qu’est-ce qui te rend fier ?

SM : Mon père ! (NDLR : Bernard Muntaner, éditeur, critique d’art, commissaire d’exposition, universitaire et ancien directeur du Frac) Il a reçu les insignes de chevalier d’honneur des Arts et Lettres pour sa carrière et j’aime le fait qu’un simple prof de dessin, avec les préjugés que ça véhicule, en soit arrivé là. 

TM :  Un coup de gueule ?

SM : Le non respect de la chaîne graphique et les allers-retours incessants ! Grace aux outils actuels et à l’immédiateté du digital, les gens réfléchissent moins en amont et ça occasionne pertes de temps et confusion.

TM :  Un coup de cœur ? 

SM : La cuisine ! Rien de mieux pour décompresser que de faire le tour des petits commerces de bouche entre le cours Julien et Noailles, puis de rentrer chez moi pour cuisiner. Ou bien l’architecture : j’aurais adoré être architecte, je me sens proche de la réflexion de Rudy Ricciotti, par exemple, mais je n’étais pas assez bon à l’école !  

TM :  Tes futurs projets ? 

SM : Des travaux personnels d’édition ! Je suis parti en famille en Bulgarie photographier les bâtiments désaffectés de l’ex-URSS et j’ai très envie d’en faire un livre comme un album de vacances. J’ai aussi en tête un projet de sculpture sur la relation palace/bunker mais il me faut du temps ! 

https://www.lesmachines-nantes.fr
http://www.halledelamachine.fr
Toiles MP 2018 chez ArtCan Gallery _www.artcan-gallery.com
http://www.lieuxpublics.com/fr/