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Gérald Passédat, comme un roi…

Quand on a la chance d’approcher Gérald Passédat, d’observer la précision de ses gestes, lui qui est attentif à tout et dirige sa brigade d’un regard, d’un signe, lorsqu’on l’écoute parler de sa mer Méditerranée, de ses pêcheurs, on a le sentiment de rencontrer une sorte de Poséidon. Il règne sur son univers avec aisance et bienveillance, avec l’âme d’un chef et l’allure d’un roi. Il en a l’audace et le courage aussi, ayant surmonté toutes les épreuves de l’existence auxquelles nous sommes tous, un jour, plus ou moins confrontés. Rencontre avec un homme hors du commun, soucieux des autres et toujours en quête du dépassement de soi.

ToutMa : Cette année, outre le maintien significatif de tes 3 étoiles au Petit Nice, tu es aussi le parrain tout désigné de l’année de la gastronomie à Marseille et en Provence (le fameux sigle MPG 2019). En quoi consiste ton rôle au cours de cette année spéciale ?

Gérald Passédat : Je suis vraiment heureux de cette belle initiative et fier d’en être le parrain. Je suis marseillais et j’aime profondément cette ville. J’espère que le grand public portera un regard nouveau sur elle, le regard admiratif que l’on porte naturellement sur une belle métropole. Cette année, je vais essayer de faire émerger une scène gastronomique et culinaire marseillaise auprès d’un public national et international, et de montrer ce bel essor.

TM : Depuis 2013, année de la culture, tu es déjà très impliqué localement, avec Le Môle, le restaurant du MuCEM, mais aussi avec l’association Gourméditerranée dont tu es le président. Quel est le but de ce rassemblement ? L’association a-t-elle un rôle dans le déroulement de MPG 2019 ?

GP : J’ai créé Gourméditerranée en 2012 car je voulais déjà valoriser la cuisine marseillaise et provençale à cette époque. La dynamique est réelle aujourd’hui car on regroupe plus de 60 talents et leur créativité accentue vraiment notre richesse territoriale. Mon vœu le plus cher est de la transmettre, et mon devoir est d’impliquer l’association dans cette attitude, car la cuisine est un savoir-faire qu’il faut absolument partager avec notre public. Bien entendu, Gourméditerranée est partenaire officiel de Marseille Provence Gastronomie 2019 et sera donc présente lors de nombreux événements.

TM : As-tu aujourd’hui conscience de ton penchant pour la pédagogie à travers toute cette transmission de savoir-faire ?

GP : Lorsque l’on obtient 3 étoiles, l’envie que ses pairs puissent se rassembler, grandir et développer leur imagination culinaire est très forte. Et mon devoir de chef cuisinier et de citoyen est de transmettre le meilleur de mon territoire, de magnifier les produits rares et aussi de partager cette connaissance avec les autres cuisiniers et les producteurs locaux, dans le respect absolu de la nature, bien évidemment.

TM : Ta résidence de chef au restaurant gastronomique Louison à la villa La Coste est-elle toujours d’actualité ? 

GP : Elle n’est plus d’actualité. Le propriétaire a souhaité changer d’orientation et j’étais en total désaccord avec la nouvelle.

TM : En revanche, tous les médias ont annoncé ton arrivée à Paris en tant que chef de la brasserie du Lutetia, célèbre palace de la capitale… Deux mois ont passé et tu es encensé par la critique internationale avec ta cuisine marseillaise, simple, chic et efficace. Ce défi est-il celui de la maturité ? Quels objectifs gastronomiques souhaites-tu atteindre dans ce lieu de légende ?

GP : Le Lutetia, c’est Paris bien sûr, mais c’est d’abord la rive gauche, son état d’esprit, son élégance originelle, sa discrétion comparée à la rive droite, plus clinquante. La rive gauche a une âme d’artiste très propice à l’inspiration et à la créativité. C’est important pour mon métier, mais aussi à titre personnel, pour l’humble mais fervent amateur d’art que je suis : l’art contemporain,
la littérature et la musique me nourrissent autant que mes recettes.

En termes d’orientation générale, on parle ici d’une brasserie. Traditionnellement, l’esprit brasserie fait la part belle aux poissons et fruits de mer. C’est un terrain de jeu que j’affectionne tout particulièrement. Mon envie est de repenser les codes de cette cuisine avec plaisir et humilité. C’est un challenge à relever, une nouvelle proposition culinaire à faire, mais sans jamais oublier mes racines méditerranéennes.

La brasserie Lutetia est un nouvel exercice de style pour moi, un peu comme un écrivain qui passe du roman au théâtre. Ce n’est ni mieux ni moins bien : c’est différent. Les envies des clients ne sont pas les mêmes ; on n’y réserve pas toujours ou, en tous cas, on ne s’y prend pas autant à l’avance qu’au Petit Nice ; on y recherche des plats goûteux, mais relativement simples, presque des valeurs sûres.

Mais où que je sois, à la brasserie de l’hôtel ou dans mon restaurant marseillais, je suis un peu comme un auteur : je ne fais que du Gérald Passédat. 

TM : Le Petit Nice, Le Môle du MuCEM et maintenant le Lutetia… L’obligation de réussite n’est-elle pas une pression abyssale ?

GP : Ce n’est pas une pression mais une volonté, une envie de partager ma vision de la cuisine de la Méditerranée. Chacune de ces adresses me donne l’opportunité d’explorer toutes les facettes de ma cuisine, d’enrichir toute ma signature culinaire.

TM : Aujourd’hui, as-tu encore un rêve à réaliser ?

GP : Carpe diem* !

NDLR* : Profiter du jour présent

 

Le Petit Nice Passédat
Anse de Maldormé, corniche JF Kennedy, Marseille 7e
_www.passedat.fr

Brasserie Lutetia
45 boulevard Raspail, Paris 6e
_www.hotellutetia.com/brasserie 

Le Môle Passédat MuCEM
1 esplanade du J4, Marseille 2e
_www.passedat.fr

 

Photos ©Richard Haughton