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Marseille au goût du jour… la gastronomie provençale en littérature

Le paris-brest, c’est démodé, vive le « marseille-brest » ! Depuis que le chef de la pâtisserie Bricoleurs de douceurs a remplacé la crème au beurre du traditionnel paris-brest par de la ganache montée, la rumeur enfle : 2019 verra-t-elle la consécration du goût de Marseille, alors que le label « Marseille Provence Gastronomie » est la priorité de la région ? Mais remontons dans le temps, et dans les pages : car s’il existe une tradition bien ancrée dans l’histoire de la ville, c’est celle du bon goût, et cela ne date pas d’hier. 

On retrouve en effet, sur les tables de Rome, des produits phocéens jusque dans les notes du premier critique gastronomique de l’histoire, Archestrate, au IVe siècle av. J.-C. Ce grand voyageur culinaire, auteur d’un poème gastronomique vantant les qualités des produits de la Méditerranée, évoque le vin, le blé et les olives de la cité phocéenne Massalia. Le port de la ville, lieu majeur des échanges en Méditerranée, voit passer des milliers d’amphores qui servent au transport des produits alimentaires. Pour la petite histoire, Milon, accusé de meurtre et défendu par Cicéron quelques siècles plus tard, choisit de s’exiler à Marseille où il était assuré de manger aussi bien qu’à Rome ! Déjà réputée à l’époque, la région produit même de la céramique, dont on retrouvera des vestiges sur certains sites archéologiques près d’Athènes. De là à conclure que les assiettes marseillaises étaient déjà à la mode… 

Plus près de nous, les écrivains ont exalté les produits provençaux : Alphonse Daudet, dans Les Lettres de mon Moulin, emménage dans  « un moulin à vent et à farine, sis dans la vallée du Rhône, au plein cœur de Provence, sur une côte boisée de pins et de chênes verts » et déguste, dans la nouvelle Les Vieux, « le bon petit déjeuner de Mamette » : « C’était deux doigts de lait, des dattes et une barquette, quelque chose comme un échaudé ; et dire qu’à moi seul je vins à bout de toutes ces provisions. »

Chez Jean Giono, l’huile d’olive et la cuisine provençales sont presque une religion : « Le jour où nous ramenions l’huile à la maison, il y avait au repas des « œufs à la Giono ». C’était un plat exclusivement réservé à mon père : deux œufs cuits à la coque (dont il surveillait lui-même la cuisson) mollets. Il les cassait dans son assiette, les salait, les poivrait abondamment, prenait ensuite la burette d’huile – et ce n’était pas une simple rayade ! -, les arrosait d’un flot d’huile verte et épaisse. Après, il « touillait » avec du pain », raconte sa fille Sylvie dans le très bel album qu’elle lui a consacré.

Quant à Marcel Pagnol, au détour de chacune de ses pages, les spécialités provençales exhalent leurs saveurs, qu’il s’agisse de la cuisine familiale de la rue de Lodi ou de celle des Bellons, dans la bastide des vacances. Il écrira : « Il est parfois difficile de savoir qui, dans une famille, commande : le mari, la femme, la belle-mère ou la cuisinière. » Dans Jean de Florette et Manon des sources, qui regorgent de recettes, la vieille Baptistine prépare notamment une tarte à l’oignon inspirée de la pissaladière italienne, sans les anchois mais avec des pignons, pour la plus grande joie de la petite Manon.

Conscients que leur savoir-faire gastronomique et les saveurs de leur région dépassaient largement nos frontières, les cuisiniers et cuisinières n’ont pas tardé à acter ces atouts gourmands, et les livres de cuisine provençale sont parmi les plus anciens du patrimoine : La Cuisinière provençale, réédité depuis 1897 par l’éditeur Tacussel, en est l’icône incontestée.

Enfin, s’il nous fallait des preuves encore plus tangibles que la gastronomie a toujours joué un rôle de premier plan dans la cité phocéenne, il n’est que de citer l’histoire de la sardine, de taille si impressionnante qu’elle en aurait bouché le port. Car à Marseille, la quantité égalera toujours la qualité !