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Julie Gayet : parité, les atouts de la féminité

Féministe engagée avec tendresse, la belle Julie Gayet exprime ses  convictions à propos de l’égalité des sexes en scrutant la société, et spécialement l’univers du cinéma. Productrice aujourd’hui, la comédienne s’est aussi essayée à la réalisation aux côtés de son confrère Mathieu Busson, essentiellement pour y apposer son postulat du naturel, celui des images sans filtre, des discussions à bâtons rompus. Elle a exposé le troisième volet de sa démarche documentaire aux regards de la critique et des spectateurs dans différents festivals en 2019, et plus récemment dans le cadre de Films Femmes Méditerranée à Marseille.

ToutMa : Après les deux premiers volets de Cinéast(e), sortis en 2011 et 2013, que vous restait-il à dire avec FilmmakErs ?

Julie Gayet : À l’époque, je voulais travailler avec un garçon, avec cette idée de parité que je trouve très importante. Quand on m’a proposé de faire le premier documentaire, ce qui m’avait intéressée c’était d’interroger la nouvelle génération de réalisatrices. Daniel Toscan du Plantier en avait produit un sur la première génération, celle d’Agnès Varda, Nicole Garcia, Noémie Lvovsky… J’ai une passion pour Valérie Donzelli, Katell Quillévéré (j’ai adoré Suzanne), je trouve que Mia Hansen-Løve est hyper intéressante. J’adore aussi Maïwenn, Céline Sciamma, Rebecca Zlotowski, toutes ces réalisatrices incroyables qui osent. Ce qui me faisait plaisir, c’était surtout de les montrer, qu’elles soient militantes féministes ou pas. 

TM : Dans le film, la plupart des réalisatrices dénoncent l’incapacité de l’homme à se mettre à la place d’une femme, et plus exactement son incapacité à s’identifier à une femme, alors que l’inverse est évident…

JG : L’an dernier, j’ai coproduit ce documentaire sur les femmes dans le foot (Le Moment de briller : les Bleues en route vers le Mondial) car je joue au foot depuis que je suis petite. Je ne produis pas pour la télé, mais là j’ai eu envie de faire un documentaire qui passe sur TF1 pour la Coupe du monde, avec les portraits des joueuses. C’est passé avant les matchs, ça a cartonné, ça a fait des millions de vues, ça a été diffusé, rediffusé… Je me souviens d’être allée voir TF1 avant, en disant que c’était hyper important qu’on connaisse les joueuses de l’équipe de France… les journalistes sportifs ne les connaissaient même pas ?! (mimique horrifiée) Comme si les femmes ne comptaient pas. « Si ça fait 4 millions d’audience, ce sera bien, on sera contents », disaient-ils. Ça a fait près de 12 millions de téléspectateurs ! Un coup financier incroyable pour la chaîne, parce que la pub augmente en fonction de l’audience, donc, jackpot ! Je pense qu’ils ont réalisé que le monde changeait. Pendant la Coupe du monde, j’ai vu plein de mecs regarder les matchs féminins, se prendre au jeu et se mettre à aimer. C’était merveilleux !

En ce moment, je produis un documentaire cinéma sur l’équipe féminine de l’OL parce que, encore une fois, ça me permet de raconter la décision politique du président Jean-Michel Aulas, en 2004, de miser sur elles. Il leur a donné les mêmes moyens qu’aux garçons : un préparateur physique, des entraîneurs, des loges, des vestiaires, des jeux de maillots, elles avaient le droit d’avoir un partenaire pour les chaussures, et ça a tout changé. Là-bas, tu as les meilleures joueuses du monde ! C’est LA meilleure équipe d’Europe, elles ont remporté six fois la Ligue des champions ! Elles ne sont pas payées comme les garçons puisqu’elles ne font pas la même audience, mais elles ont les mêmes moyens, et ça, c’est au moins les respecter. Moi, je ne rêve que de respect mutuel et d’égalité. 

TM : Pour FilmmakErs, vous avez fait un tour du monde. Comment avez-vous sélectionné vos réalisatrices ?

JG : Au début, je voulais des femmes très connues, comme Jane Campion. Puis j’ai réalisé que les grandes stars avaient eu des interviews, qu’on leur avait déjà posé des milliers de fois la même question… Par contre, j’ai pris conscience qu’on ne connaissait pas des femmes formidables qui ont fait parfois plus de 40 films, comme Isabel Coixet, en Espagne (proche d’Almodóvar, qui la produit). C’est assez rigolo de voir des réalisatrices au travers du cinéma, c’est comme une loupe.

TM : Quelle est la prochaine étape ?

JG : Aller dans les lycées, ce que je vais faire dès le 10 mars 2020 à Marseille… Comme on avait lancé le 50/50 (parité et égalité homme-femme) 2020 et qu’on y parvient, je me suis dit que j’allais faire un tour de France en février-mars. Je pense que plus on verra le film, plus on pourra débattre, et plus on fera de rencontres !

TM : Un quatrième volet peut-être ?

JG : J’avoue que c’est tentant avec l’affaire Weinstein aux États-Unis. Depuis, ils ont mis des femmes à la tête des studios et là, j’aimerais voir si cela fait changer les choses ou pas…

FilmmakErs
Projection du film documentaire le 10 mars 2020 à 20h
cinéma Pathé-Madeleine, Marseille 4e

Réalisation _Céline Bouchard
Propos recueillis par Sophie désiré