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Josette Baïz, la danse métisse

Pour ToutMa, Agnès OLIVE, écrivaine, romancière et éditrice, vous raconte le parcours d’une femme qui vit et travaille dans le Sud. Toujours de belles histoires de femmes.

Josette Baïz est née à Paris, pendant le terrible « hiver 54 », l’hiver le plus froid du siècle, dans un milieu très populaire mais chaleureux puisque toute la famille jouait ou dansait dans les bals. « Ma mère dansait dans les bals, mon père y jouait de l’accordéon et mes grands-parents chantaient dans la rue. Quant à moi, dès sept ans, je jouais à « faire la chorégraphe » sur les places du 20ème arrondissement avec les enfants qui étaient là, tous issus de milieux et de cultures différentes. J’avais ça dans le sang ! » raconte la chorégraphe. Plus tard Josette veut faire des études, lesquelles seront longues puisqu’elle ira jusqu’au doctorat en Lettres Modernes. « J’avais besoin de faire des études pour comprendre la société, la couche sociale d’où je venais, et cela m’a permis de l’accepter parfaitement. Mes études m’ont énormément servie dans ma vie de danseuse et dans mon travail de chorégraphe » explique-t-elle. Après son DEUG, elle quitte Paris pour faire sa Licence à Aix-en-Provence. C’est là qu’en même temps elle commence vraiment la danse. Elle a 20 ans. C’est tard, mais la preuve qu’il n’est jamais trop tard… Tout le monde voit bien qu’elle est super douée. Elle se retrouve alors en formation chez Odile Duboc, la célèbre chorégraphe, et fait plusieurs stages avec de grands chorégraphes Américains. Elle travaille à ce moment-là le classique comme le contemporain. En 1979 elle a un coup de foudre pour Jean-Claude Gallotta et entre dans sa compagnie en 1980. Deux ans plus tard, elle remporte au 14ème Concours international de Chorégraphie de Bagnolet, le 1er prix ainsi que ceux du Public et du Ministère de la Culture. Elle fonde alors sa première compagnie : La Place Blanche avec laquelle elle va créer de nombreux spectacles. « C’étaient des adultes mais je ne pouvais pas m’empêcher de mettre des enfants dans les spectacles. Certains ont trouvé ça formidable, d’autres pas… » confit-elle.

En 1989, le Ministère de la Culture lui propose une résidence d’une année dans une école des quartiers nord de Marseille, à la Bricarde dans le 15ème arrondissement. Et c’est un deuxième coup de foudre ! Elle découvre un microcosme du monde : l’Asie, l’Inde, le Maghreb, la Turquie, les Comores, toutes les cultures étaient représentées. Entre ces jeunes d’origines aussi diverses et les nouvelles cultures urbaines, elle se retrouve face à des propositions très différentes comme le break dance, le smurf, le hip-hop, la danse orientale, gitane, indienne ou africaine, et va alors repenser son travail et modifier radicalement sa démarche artistique. C’est de cette expérience que va naître « Grenade » et Josette entreprend son travail de métissage de la danse dans un processus d’échange : elle enseigne le contemporain et la composition, les jeunes lui apportent leur façon d’affirmer leurs origines et leurs sentiments. Et Grenade, aujourd’hui, c’est un ensemble chorégraphique composé d’une soixantaine de danseurs répartis entre le Groupe Grenade qu’elle a créé en 1992 et qui regroupe une cinquantaine d’enfants et d’adolescents de 7 à 18 ans, et la Compagnie Grenade qui date de 1998 et qui, elle, est composée d’une douzaine de danseurs professionnels adultes.

La chorégraphe va produire grand nombre de spectacles tout en s’investissant énormément dans son école. Pour elle, l’artistique et le pédagogique sont complètement imbriqués l’un dans l’autre : « C’est mon cheval de bataille. Il y a beaucoup d’improvisations, de compositions, de vraies chorégraphies au sein même de mes cours, le but étant de favoriser l’épanouissement personnel de l’enfant, de développer sa personnalité, sa créativité, mais aussi son écoute : ouvrir l’esprit des petits danseurs avec le corps. La matière du corps doit être malléable pour entrer dans n’importe quel univers. Par exemple quelqu’un de « trop classique » ou de « trop hip-hop » trouverait difficilement sa place chez moi. Je travaille à métisser la danse ».

Pour Marseille Provence 2013, Grenade va réaliser un grand projet : « Roméo et Juliette » mais seulement avec des enfants et des adolescents ; des tout petits d’écoles primaires d’Aix, des enfants de la Bricarde à Marseille et des enfants de Grenade bien sûr. En tout, une centaine d’enfants et autant de musiciens de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée dans la fosse ! Il y aura d’abord une avant-première le 8 juin au Grand Théâtre de Provence avec une bande-son enregistrée, ensuite les 26 et 27 juillet dans le Festival d’Art Lyrique d’Aix : « Ce qui est nouveau, c’est de le faire avec des jeunes, en principe cela a toujours été dansé par des adultes, pourtant dans l’histoire de Shakespeare les protagonistes ont 14 et 16 ans ! C’est une expérience intéressante, on va voir comment les enfants et les ados vont s’intégrer dans une histoire d’amour aussi puissante et si violente. L’amour, la folie et la mort : c’est une vraie tragédie ! ». Une nouvelle occasion pour Josette Baïz d’échanger avec les jeunes, elle qui déteste la stagnation et cherche sans arrêt à évoluer grâce à eux, « aller vers le déséquilibre pour se rééquilibrer avec eux », c’est la grande générosité de la chorégraphe.

www.josette-baiz.com

Pour l’ouverture de MP2013 Josette Baïz & Paul Virgo présentent “Megapol” dans le cadre “High Cube ExtraBal” samedi 12 janvier dès 19h30 sur le parvis des Archives et Bibliothèque Départementales Gaston Defferre à Marseille.